L’avenir des RH (2/2)

Dans les organisations auto-gérées, les fonctions dites « support » sont appelées à disparaitre au profit d’une autonomisation maximale des collaborateurs. Les hommes (et les femmes) qui la composent étant également au cœur de ces entreprise, de ce fait le bien nommé service des ressources humaines y a certainement toute sa place mais il doit se réinventer. Le rôle des RH dans l’entreprise de demain est double. Après avoir permis de fluidifier le fonctionnement de l’organisation, les RH peuvent développer le niveau de conscience des individus.

Tant qu’à faire, je préfère autant éviter les conflits dans les organisations, sans pour autant garder de rancœur ou de frustrations. Pour atteindre cette profondeur et fluidité dans la communication entre collaborateurs, cela passe avant tout par une meilleure connaissance de soi. Voici donc une très belle deuxième mission pour la RH des organisations opales : participer au développement du niveau de conscience des individus.

Partons du principe comme l’a démontré Clare Graves dans son modèle de http://www.spiraledynamique.com/ que chacun de nous passe des étapes de compréhension de soi et de son environnement à un autre selon une échelle à deux dimensions : celle du temps (chronologique) et celle des sujets abordés (les diverses facettes de notre vie). Ces étapes sont des « niveaux de conscience ». 8 niveaux sont aujourd’hui décrits et nommés à partir de couleurs.

D’un stade à l’autre, on ne devient pas plus ou moins intelligent mais on élargit ou on restreint ses perspectives car les niveaux de conscience sont de plus en plus complexes. L’acronyme VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguit) qui décrit le monde dans lequel a grandi la génération Y (et les autres depuis), peut convaincre les plus réticents de la nécessité de développer son niveau de conscience ainsi que celui de ses collaborateurs. Même s’il s’agit d’un processus long et non maitrisé, l’entreprise a tout intérêt à ouvrir ses collaborateurs à la complexité du monde : l’information, le savoir, le collectif, les systèmes, le vivant, et pourquoi pas la connexion (et je ne parle pas d’internet là !).

Plus concrètement et toujours selon le modèle de la spirale dynamique, pour encourager le passage d’un collaborateur du stade orange (opportuniste) à vert (relativiste) il faut l’aider à développer la compréhension de ses émotions et faire grandir son espace intérieur. Des temps de recul (individuel ou collectif) via un massage, le yoga ou des marches dans la nature permettent cela, tout comme les exercices d’expression et de créativité (écriture, dessin, improvisation théâtrale…). Que ce soit lors de séminaires, de cours proposés dans l’entreprise, de temps récurrents de parole ou d’accompagnement personnalisé de nombreuses entreprises encouragent ces pratiques auprès de leurs collaborateurs.

Les demandes exprimées par les personnes qui sont au stade vert concernent l’expression des émotions ainsi que la prévention et la gestion des conflits. La méditation, des groupes de parole et l’introspection collective participent à cela tout comme de l’ouverture par des lectures ou des conférences sur ces sujets. Justement, ceux qui sont au stade jaune (systémique) ont besoin d’une mise à disposition de savoirs … et de temps naturellement. Pourquoi ne pas partager une bibliothèque en entreprise, donner du temps pour les projets de recherche ou les engagements associatifs de vos collaborateurs ? Ils le rendront au centuple.

Le dernier stade documenté est le stade turquoise, appelé holistique. Les individus s’interconnectent au monde et vivent pour servir l’humanité. Laloux observe nombre des caractéristiques décrites pas ce modèle dans les organisations opales qu’il étudie. C’est ici qu’apparaissent les « missions » de vie ou d’entreprise, car dans l’idéal, les deux missions se nourrissent l’une l’autre. Pour illustrer cette idée, voici les questions posées lors des entretiens annuels dans l’une des entreprises étudiées par Laloux, Heiligenfeld :

  • Est-ce que la mission de l’entreprise trouve un écho en moi ?
  • Que suis-je appelé à vivre ? comment servir le monde ?
  • Est-ce que je mets mon cœur dans le travail ?
  • Est-ce que j’ai le sentiment d’être à ma place ?

Je ne vous incite pas à commencer directement par ces questions lors de vos prochains entretiens annuels. Le chemin de la libération collective est long et tout aussi incertain que celui du développement personnel. Mais si comme par Hervé Guichard, le PDG de Manutan vous souhaitez profondément « Choisir le pouvoir de l’amour plutôt que l’amour du pouvoir », cela vaut le coup de se mettre en marche… et de commencer par vous écouter vous !

Ainsi, la RH devient un outil de développement personnel des collaborateurs et de libération de l’entreprise. La cohésion d’équipe, les stages de leadership ou de management servent une recherche profonde de réalisation de soi et d’alignement sur des objectifs de vie et de mission d’entreprise. De nombreux coachs, dirigeants et managers vont même jusqu’à parler de spiritualité en entreprise. Pour ne pas se méprendre, j’emprunte à Ithaque Coaching sa définition de la spiritualité « un chemin intérieur qui nous permet de nous détacher de notre ego, de nous relier aux autres, à la nature et, de retrouver une unité et une paix intérieure, en nous connectant à notre Source profonde. »

La recherche de sens et d’harmonie est si prégnante aujourd’hui, les églises sont si vides par rapport au début du siècle dernier, et les enjeux de celui-ci sont si grands, qu’il me parait évident que l’entreprise en tant que collectif a un rôle à jouer dans le développement de la spiritualité de ses membres.

Je vous souhaite une belle route sur ce chemin !